Le guide du cybergoth

12Mar11

Il fut un temps – pas si lointain – où le gothique s’habillait en noir, se teignait les cheveux en noir, se fardait les yeux en mode « coucou je n’ai pas dormi depuis trois nuits » (la vie de vampire est compliquée lorsqu’on doit aller au collège la journée) et arborait des lèvres de pendu, noires. Brrr, terrifiant. Vous les avez peut-être déjà croisés, l’air menaçant ou hagard dans ces longs manteaux de cuir qui, à une époque pas si lointaine (si si souvenez-vous) donnaient à tous les badauds l’impression de les connaître. Et sur leur passage, voilà que des gens cultivés scandaient joyeusement : « Trinity ! » « Neo ! » « Marilyn Manson ! » (même si, personnellement, je n’ai jamais vu Manson dans Matrix malgré un don certain pour le transformisme dans les films les plus improbables).

Que reste-t-il de cette étrange population ? Aujourd’hui, le type qui se ballade en veste en cuir a troqué sa superbe chemise à jabot pour un t-shirt Metallica du plus bel effet. Il faut dire que les métalleux n’ont jamais été à la pointe de la mode et qu’un esthète comme le gothique sait que la cape en cuir, comme Keanu Reeves (Qu’a-t-il joué après Constantine au fait ?), ne fait plus bander personne… Vivre avec son temps, c’est se préoccuper de sujets aussi graves que celui de l’environnement. Le gothique n’est pas devenu hippie, je vous rassure tout de suite. En fait, la menace nucléaire c’est même plutôt cool. Depuis Tchernobyl, nos ténébreux se préparent à vivre un nouveau désastre. Mais pourquoi me diriez-vous ? Où sont passés les délires mythologiques et médiévaux ? Ah, c’était une autre époque. Les goths en avaient sans doute un peu marre de passer pour des arriérés incapables de vivre avec leur temps, surtout que depuis l’avènement du sms, il n’y en avait plus un seul pour employer dans la bonne société – ou le dernier tripot assez crado pour faire underground – le langage affecté d’un comte romantique. Plus personne ne savait conjuguer le passé simple, ça devenait dramatique. Mais, attention, le goth nouvelle génération a trouvé La solution. Il va désormais à l’essentiel. Quand le summum du romantisme sombre revient à signer « bloOdy KiisS lol » à la fin d’un texto, il n’y a plus rien à attendre de l’avenir. Et, c’est ici que la stratégie devient ingénieuse, au lieu de vivre dans le passé, le goth est devenu futuriste, à tel point que son style vestimentaire n’évoque plus rien aux critiques des rues.

Eh oui, c’est le futur, nous ne pouvons pas comprendre.

En plus se prendre pour un être du futur c’est pratique, ça ne demande pas de culture particulière. Alors que pour se la jouer dandy gothique il fallait lire les Fleurs du Mal en faisant semblant de trouver ça génial. Je ne dis pas que Baudelaire ne fut pas un génie en son temps, juste que l’appréciation de Punkygothiik sur skyblog, à savoir « Beaudelaire c trO biien C mOn poèTe preferer vc Dan BrOwn » me laisse à penser que cette jeune pucelle a lu le recueil comme une bande dessinée, en regardant les images. Et si un fin connaisseur m’objecte qu’il n’y a pas d’images dans les Fleurs du Mal, je lui dirais que c’est bien là le fond de notre problème.

Avant, les gothiques terrifiaient les petites gens avec des histoires de buveurs de sang. Hélas, depuis Twilight, les vampires n’effrayent plus personne, au contraire, se faire passer pour un mort-vivant est devenu le meilleur moyen d’attirer une armée de gamines hystériques devant la porte de sa cave. Vaincu par la nouvelle culture populaire, le gothique n’était plus le vilain petit mouton noir de la société. Que faire ? La menaaaace nucléaire ! Le biohazard ! Voilà, le nom est dit, tremblez pauvres mortels vous allez tous mourir ! C’est ainsi que naquit le cyberboth…

Et puis franchement, le sigle en jette. Ça change des croix inversées qui ne font même plus pleurer les grands-mères !

Bon en réalité, l’apparition des premiers cybergoth est un peu moins récente puisque les premiers spécimens sont tombés de leur vaisseau à la fin du XXe siècle. Comme quoi, pour certains individus, le bug de l’an 2000 a véritablement existé. Ce nouveau sous-mouvement est apparu dans un pays qui, chaque été sur la Côte d’Azur, nous rappelle que nous n’avons décidément pas les mêmes valeurs vestimentaires, j’ai nommé… le Royaume-Uni !

Et vous pensiez qu’on ne pouvait pas faire pire que le look veste en cuir ?

Comment devenir Cybergoth ?

Je vous vois venir petits envieux. Cette première mise en contact avec notre créature vous donne de folles envies de mimétisme et vous ne savez pas par où commencer. Mais rassurez-vous, nous allons étudier chaque accessoire en détail !

Le cybergoth donc, c’est un goth qui a décidé de se mettre à la couleur. Cependant, pour répondre à son besoin de démarcation, il devait résoudre un souci majeur : « la couleur c’est nul, tout le monde en porte ». Alors, pour contrer cette triste plongée dans le conformisme, le cybegoth a opté pour le look néon-vivant. C’est flashy, ça brille, comme un joyeux petit poney tout en restant dark grâce à un habile alliage de tenues en vinyle (mais, ne nous méprenons pas, le cybegoth a un côté plus petit poney que SM).

Le masque à gaz
C’est gros, laid, encombrant, donc indispensable pour tout cybergoth qui se respecte. N’oublions pas que la menace nucléaire est proche et qu’il faut se parer à toutes éventualités, il ne s’agirait pas de perdre les quelques neurones encore viables. Vous remarquerez en soirée que le cybergoth qui a la chance de posséder un masque à gaz en plastique essayera toujours de se donner des airs un peu plus importants que les autres. Il est persuadé d’être l’Elu qui survivra à la prochaine dévastation et il tient à vous le faire savoir… Même s’il passera la plus grande partie de la nuit avec son masque autour du cou parce que bon… c’est quand même pas pratique pour respirer… Paradoxe ? Mais non, le plastique n’a jamais été toxique. Une légende urbaine prétend néanmoins que des marginaux comme les gothiques ne se lavent pas (souvenez vous de leurs ongles noirs), ceci explique peut-être cela…

sonne ne le verra. Tu auras juste l’air con.

L’avantage du masque, c’est que si tu es moche, perssonne ne le verra. Tu auras juste l’air con.

Les lunettes
Les lunettes du cybergoth ne servent à rien. Personne n’a encore pu résoudre l’énigme de leur utilité, pas même notre spécimen qui se contente de les porter sur sa tête pour se donner un petit côté fashion en plus. Certains se posent des oreilles de chat, d’autres se font greffer des bouchons de bouteille sur le front… Mais je vous l’ai déjà dit, la mode du futur échappe à l’entendement, et surtout, à notre bon sens d’êtres sous-évolués.

Les furry leg-warmers
Qu’est-ce donc ? Des moumoutes pour les pieds. En effet, le cybergoth a du poil aux pattes et, catastrophe nucléaire oblige, il est souvent fluo. Pourquoi la fourrure n’a-t-elles pas poussé ailleurs ? Le reste du corps arbore-t-il un pelage de la même couleur ? Voilà des questions qui demanderaient de grandes investigations mais je n’irai pas vérifier, ces êtres difformes pourraient me contaminer. Pour ceux qui n’ont pas une pilosité surdéveloppée, il est toujours possible d’acheter de la fourrure synthétique, même si c’est tout de même tricher.
Parfois le cybergoth a aussi des moumoutes aux poignets ce qui laisse à craindre que dans un futur proche l’être humain a sauvé son espèce de l’extinction en s’accouplant avec des caniches…

Les dreads synthétiques
La voici, la malédiction du cybergoth. Se faire des vrais dreads, c’est un peu sale, et le cyber préfère les customisations éphémères, ça lui permet de ne pas se faire éjecter de la maison familiale, entre autres. A l’instar des indiens, notre messager de la 4e dimension a opté pour une coiffe de ouf ! Le dread synthétique fait TOUT, ça te pose la marque direct. On en trouve de toutes les couleurs et pour tous les goûts, des petits dread fluo que tu peux accrocher partout à la perruque énorme agrémentée de bouts de plastique, de tuyaux et de ressors en ferraille. Malheureusement, les résultats ne donnent souvent qu’un cachet largement fantasmé à notre cyber-manitou qui ressemblera davantage à un ananas transgénique qu’à un être humain. Eh oui… Car la mode cyber, c’est un peu comme toutes les modes : si tu es beau ça passe, sinon ça te donne juste l’air con, et même des envies citoyennes de commencer à creuser ta tombe.

Look balai à franges

Le comportement !

Le nom :
Du côté du nom, le cybergoth poursuit la tradition du gothique classique avec bien évidemment l’idée de se trouver un pseudo dark-futuriste. Vous ne trouverez pas dans cette charmante communauté de Lord Boleskine, Sombre Velours, ou Princesse de la Lune Noire. Non non, c’est dépassé vous dis-je. Les associations des cybers ne veulent absolument rien dire mais sonnent bien grâce à un enchaînement subtil de x, y, z et a… Ce qui donne avec un petit effort de simulation : Drakxya Nevroza, ObsKürOs ParKynsoN, ou Toxia Venimoza. Vous noterez la folle inspiration de ces noms. L’astuce vous échappe ? Je vais vous donner une dernière piste pour rebaptiser dignement votre compte facebook… N’oubliez pas de déformer au moins un mot qui rappelle à quel point vous êtes un parangon de dark’itude. Il n’est pas nécessaire de chercher des références intelligentes. Parlez de poison, de noir, de mort, de maladie, et le tour est joué !
L’exemple à ne pas suivre : Goth de l’espace, c’est pitoyable. Même un cyber de 14 ans fan de Tokio Hotel n’oserait pas porter un pseudo aussi ridicule.

La culture :
… Biohazard ! Il vous suffira de connaître ce mot pour inspirer le respect à vos semblables. Le cybergoth n’a pas de culture et n’a pas besoin de faire semblant d’en avoir pour être accepté dans sa communauté. Si vous avez affaire à une fille (ou même un garçon, les goths étant toujours un peu nunuches) vous pouvez cependant visionner la trilogie de Twilight, ça vous fera peut-être un sujet de conversation.

La Musique
En théorie – je dis bien en théorie – la mode cyber est liée à la scène electro/indus. C’est d’ailleurs sur cette musique que la plupart de nos énergumènes commettent leurs plus belles insultes à la danse. Cependant, si nous observons de plus près la plupart de ces spécimens, nous pourrons très vite constater que les groupes électro sont à peu près les seuls absents de leur playlist. Vous trouverez du Marilyn Manson, Avril Lavigne (sisi), Eths, … Du métal, du black Metal, du Punk, du Rock et… l’electro sinon ? Les cybergoth n’écoutent pas l’electro, ils la dansent ! Bon… Soyons sympa, ils se sont mis à Combichrist depuis la dernière tournée de Rammstein.

La danse :

Tout l’intérêt d’être dans la mouvance cyber est de se démarquer en soirée en exécutant une danse très particulière qui n’est comprise que par ceux qui la pratiquent : l’Industrial Dance.

L’Industrial Dance a quelques avantages :

Pour la pratiquer, il suffit de faire du sur place en bougeant les bras dans tous les sens et en donnant parfois, dans un moment de grande folie, des coups de pied dans le vide (ça vous rappelle quelque chose ? Ah bon, vraiment ?). Du coup, les danseurs sont parfois un peu déséquilibrés mais grâce à leurs grosses chaussures à talon compensé, ils tiennent bon ! Le but du jeu est évidemment de ne SURTOUT PAS changer de place. Si vous avez joué à twister dans votre jeunesse, vous maîtriserez très vite ce principe.

Comme les gens ne bougent pas, personne ne pourra faire une tentative d’approche pendant la soirée puisque c’est la meilleure manière de se prendre un coup dans les dents. Tant que vous dansez, vous ne risquez rien. Mais quitter la piste de danse peut devenir très ardu, surtout face à ce type de spécimen. (et ça se moquait des technoniqueurs…)

Si vous n’avez pas d’inspiration ni de rythme, ce n’est pas grave ! Vous pourrez répéter les mêmes gestes à l’infini sur n’importe quelle chanson ! Idéal pour celui qui ne sait pas danser et qui, pour une fois, n’aura pas forcément l’air con en faisant n’importe quoi (C’est d’ailleurs pour cette raison que j’apprécie.)

Mais l’énorme fail de l’Industrial Dance, c’est qu’une personne qui ne maîtrise pas… risque de se payer une honte monumentale (ou une mise à tabac par tous les fans de Neuroticfish… et j’avoue que cette option est très tentante.) Cette vidéo nous montre aussi que l’assemblage des accessoires sus-cités ne fait pas toujours un look cyber. En occurrence, cette demoiselle ne ressemble à rien.

Allez, pour le plaisir, je vous quitte sur un classique



6 Responses to “Le guide du cybergoth”

  1. 1 gabriel94800

    “Bon… Soyons sympa, ils se sont mis à Combichrist depuis la dernière tournée de Rammstein.” Impudente, je suis outré!

  2. …Voilà, ça y est, je suis has-been. Je m’en doutais depuis quelques temps, mais maintenant je peux en être certaine et jeter ma croix inversée, mes livres de Magie Vaudou, mes robes de Marquise en soieries et mes culottes de chasteté au feu. Moi qui pensais pouvoir encore aller dans des soirées avec collier à chien et laisse en passant pour une personne In. Non, j’ai mal compris la mouvance actuelle : quand il n’y a plus de futur, on s’habille futuriste pour donner l’illusion qu’on est ce demain où les tenues moulantes fluo, les coiffures qui font mal aux yeux et les oreilles de Spoke ne sont plus qu’une idée saugrenue provenue tout droit de l’imaginaire de quelques illuminés.

    Je me sens mal, alors pour compenser mon manque de culture et d’originalité, j’ai choisi un nouveau pseudo. Il est super, non ? =D

    Tu sais où je peux trouver un masque, à part au Japon ?

    Lool bloody kiss de gangréneux infecté aux radiations de Fukushima !!

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    \o/
    -> Eh, j’ai pas joué au twister mais je maîtrise, non ?

  3. 3 volk-vetra

    cher…éditeur de cet article, tu dois savoir que se n’est pas parce que se style existe que les autres son jetés. Au contraire. cela fait simplement un style de gothisme de plus. je suis cybergoth et tu dois savoir que je connait des badcave, des romantiques, des darks, des punks ect….et pour l’info tu ne risque pas d’avoir de poils au pattes si tu approche une personne avec des legs warmers!!!et non nous ne sommes pas de la déscendance des caniches!!!!!!

    • Cet article a une visée plus humoristique qu’informative et ne s’en prend par conséquent qu’à des clichés. 😉 Je vous connais bien peuplade cyber ! Diable, il m’est même déjà arrivé de vous adresser la parole lors d’un voyage inter-galactique. Il n’est pas dit que nous ne nous recroiserons pas un jour !

  4. 5 Amy

    J’ai 14 ans, je suis Cyber, et j’écoute Tokio Hotel….
    Comment doit-je le prendre?
    Sinon, l’article est vraiment amusant! j’aime beaucoup!
    Au revoir, terriens!

  5. 6 lili-gothika

    je suis mannequin cybergoth et non je ne suis pas mi-femme mi-caniche, l’industrial dance aussi est plus complexe qu’on le crois, croyez moi… Sinon j’ai bien ris sur cet article fors drôle et quelque peu instructif.


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